J'ai le souffle court. Je n'arrive plus à reprendre me respiration. Mais je ne m'arrête pas. Je continue à courir sans vraiment où, et encore moins pourquoi. Pour m'éloigner de ces sirènes de police qui nous ont assailli d'un coup et qui continue de résonner dans mes oreilles même si elles ne peuvent plus atteindre mon champ auditif. Ou pour m'éloigner d'Harry et sa colère. J'ai peur... Peur de l'avoir déçu... Je n'y suis pourtant pour rien, je peux le jurer. Je n'ai rien fais de mal, rien de travers. Je n'ai rien oublié, je n'ai pas paniqué... Pas même quand j'ai entendu ces foutues voitures de police débarquer. Je ne me suis mis à courir qu'à la toute dernière extrémité. Je me suis enfilé dans cette ruelle, laissant mes jambes prendre la décision de me porter sans réfléchir.

Je cours encore, je cours toujours. Mon cerveau est en train de perdre toute notion de motricité. Le manque d'oxygène est en train de me faire tourner la tête. Il faut que je m'arrête. Il faut que je me remette. Il faut que je retrouve mes esprits et ma lucidité. Je sens l'arme toujours dans le creux de ma main. Je déteste toujours autant ce machin. Mais je sais m'en servir avec précision à présent. Harry semble en être content... Mais le sera-t-il lorsqu'il apprendra mon escapade nocturne dans les rues sombres de Londres ?

J'essaye de me repérer. Je ne sais pas du tout où je suis. La nuit m'enveloppe de son étreinte glacée et humide et le brouillard commence à se lever, rendant l'endroit encore plus insondable et angoissant. Je me sens perdu. Mais je ne panique pas. Je ne dois pas paniquer, je n'en ai plus le droit. Plus depuis qu'Harry m'a offert un poste de terrain. Ça serait la fin de mon histoire chez les Black Moon si je faisais une bêtise à présent. Une encore plus grosse que m'être enfuit ainsi... Si Draco voulait me... J'enrage en pensant à ce qu'il a fait à Toffee et ça me redonne une vague de courage.

Une voix lointaine me dit soudain que je n'ai pas été le seul à prendre les jambes à mon cou en comprenant que nous étions repérés. Des bruits de pas me reviennent en mémoire, m'entourant comme le son répétitif sirènes... A moins que mon esprit encore en manque d'air ne me joue des tours, ou que ce ne soit que le bruit de mes propres pas se répétant en écho.

Je ne sais plus que penser. Mais j'ai enfin retrouver une respiration relativement calme. Je me redresse. Je m'étais retrouvé dans une position assez peu confortable, coincé derrière une benne pour plus de sécurité le temps de me remettre de ma course folle.

Je me relève, frottant d'une main encore tremblante les manches poussiéreuses de ma veste quand...

Elle est là, elle me regarde fixement de ses yeux perçant. Il semblerait qu'elle m'ait repéré depuis un bout de temps... Sa crinière rousse scintille sous l’éclairage d'un lampadaire grésillant. On dirait qu'elle essaye de m'amadouer. C'est la seule chose à laquelle j'arrive à penser.

Son regard glisse lentement vers ma main droite. J'avais oublié ce que je tenais. Je recommence à trembler, ne sachant si je dois mettre en joue cette menace potentielle ou lâcher cet objet de malheur.

Encore un fuyard relativement peureux ! Je grince des dents en le suivant. Alors que nous avions rappliqué sur le lieu, ils semblaient tous s'être enfuis. Disparus comme si ils n'avaient jamais été là et que nous étions venus pour rien. J'avais aperçu la rage sur le visage de mes collègues, pestant encore sur cette fine équipe qui arrivait toujours à nous avoir. Mais, malgré tout, j'avais eu le temps d'apercevoir cet homme relativement jeune, les cheveux bruns en pétards, tentant vaguement de courir sans paraître paniqué.

Je l'avais suivi discrètement, et dans sa fuite éperdue il ne m'avait apparemment pas remarqué. Courir n'était absolument pas mon passe temps favoris, loin de là, mais j'étais la seule à avoir remarqué cet homme et je n'avais pas pris la peine de mettre quelqu'un sur ce coup alors qu'il fallait faire vite. Action, réaction ! Et de ce fait, je me retrouvais à le suivre, à distance raisonnable sans pour autant le perdre de vue.

Il s’essouffla vite et je ralenti doucement pour le laisser se recroqueviller dans un coin. Il semblait toujours se croire seul. Je m'avançai doucement, espérant qu'il ne m'entende pas malgré le léger claquement de mes talons (qui n'étaient pourtant pas spécialement grands) sur le bitume humide de la ruelle.

Il se redresse en dépoussiérant sa veste (il n'était plutôt pas mal habillé mine de rien) et me remarque enfin, en train de le détailler entièrement. J'aperçois la crainte dans ses yeux et j'en suis presque à vouloir le rassurer, jusqu'à ce que mon regard tombe sur l'arme qu'il a dans la main. Il la tient d'une façon tellement particulière, je peux presque sentir à quel point il n'est pas à l'aise avec. Ne supportant pas le silence et étant de nature impulsive, je lâche brusquement :
<< Alors comme ça on tente de m'échapper ?>>

<< Alors comme ça on tente de m'échapper ?>>

"Je euh... Je... Vous... Mais?..."

Je n'arrive pas à être cohérent. Je ne suis même pas persuadé d'avoir comprit ce que la jeune femme a dit. Elle me regarde d'un air ferme, mais pas agressif. Elle est sûre d'elle et posée, tout l'inverse de moi... Et c'est alors que mon cerveau fait la coréaltion. J'entends comme à retardement ce qu'elle vient de dire: << Alors comme ça on tente de m'échapper ?>>

On tente de m’échapper! Un flic, c'est un flic. Pas un gars de Moriarty, je serais déjà mort. Je sais qu'elle est là depuis un bon bout de temps, c'est plus sensation qu'un savoir, un genre de certitude. L'autre certitude que j'ai, le bras toujours le long du corps, c'est que si elle était un gars de Moriarty, je serais déjà mort.

Je ne sais pas ce que je dois faire, je n'arrive pas à penser clairement. Mon cerveau semble à des années lumière de la plus petite capacité à réfléchir correctement. Je marche aux sensations à l'instant, et ce que mon corps me dit de faire à ce moment précis, c'est de pleurer comme un bébé. Ce n'est pas un ordre, plus une volonté incontrôlable... Normalement... Mais là, je me contrôle, mieux que je ne l'ai fais depuis une... depuis jamais en fait.

Une larme s'arrête au coin de mon œil. Ce qui me permet de conserver un calme relatif, même si ma main qui tient l'arme tremble toujours, c'est l'idée que je puisse faire plaisir à Draco en craquant face à une femme, certes armée, mais bien moins menaçante que lui.

J'avale ma salive avec difficulté et j'essaye de la regarder dans les yeux. Je viens de me rendre compte que mon regard avait glissé sur ses chaussures, assez peu pratiques pour la course... Mon cerveau fonctionne encore, en fin de compte.

"Ce n'est pas ce que vous croyez..."

Quoi? Mais... Qu'est-ce qui me prend de dire ça, c'est exactement ce qu'elle croit. Je suis un gars armé qui tente de s'échapper, elle m'a parfaitement cerné en un regard.

Ma main droite tremblante lâche subitement le pistolet qui tombe sur le sol en béton dans un son métallique qui se répercute dans la ruelle. Le son me destabilise un instant, je ne me suis même pas rendu compte que ce que ma main a fait...

Je lance un oeil à l'arme sur le sol... La récupérer et viser la flic? L'idée me traverse l'esprit une fraction de seconde... Ce que Draco trouverait le moyen d'infirmer en disant que je n'ai pas de cerveau.

C'est en pensant à lui que l'idée me vient en tête... Je vais courir à nouveau... Je vais semer la fliquette et je vais rejoindre la base, sain et sauf, avec une arme en moins, certes, mais j'aurai prouvé que la police n'est plus un obstacle pour moi.

Ma jambe droite trouve l'idée plutôt satisfaisante, alors, je commence à m'élancer... Tournant le dos à la rousse.

"Je euh... Je... Vous... Mais?..."

Je manque de m'esclaffer intérieurement. Quelle réaction pour un gars armé potentiellement dangereux, en cavale avec une équipe qui nous échappe à chaque coup. Son côté perturbé et paniqué devrait me déstabiliser mais ce n'est pas le cas, et je reste plantée là, à observer quelle va être sa réaction.

Ce n'est pas le genre d'homme qui m'inspire de la colère, malgré le fait qu'il soit armé et poursuivit par la justice. Je sais que je suis flic, sergent qui plus est, mais je sais reconnaître les vrais méchants, et même si il est possible de parfois se faire embobiner, je sais reconnaître les petits natures, les gens qui ne sont pas réellement méchants. Et lui n'en est pas un, du moins pas un vrai.

Il n'empêche qu'il reste un homme en cavale et que je me dois de le coffrer tant qu'il est encore temps. Je m'apprête à avancer d'un pas quand je remarque avec stupeur... Serait-il en train de retenir ses larmes ?

"Ce n'est pas ce que vous croyez..."

Je sens au fond de mon coeur que la vraie Julia, celle qui derrière son caractère un peu trop fort et son autorité de sergent, refait surface et je ressens comme une sorte d'affection pour cette homme. Bon dieu ! Il n'est pas un innocent que je sache ! Il faudrait vraiment que je me reprenne.

Je toussote et m'apprête à prendre la parole mais il me prend de vitesse et se met à courir. Les bons vieux réflexes humains ! Mais il ne doit pas se rendre compte d'à qui il a affaire. A peine commence t-il à s'élancer que je le rejoins et l'agrippe, entendant un couinement de peur sortir de sa gorge. En quelques secondes il se retrouve les mains dans le dos, et je le menotte avec fermeté sans pour autant être méchante.

Le tenant par les poignets le temps de refermer les menottes je sens les tremblements de son corps et m'apprête presque à relâcher les menottes. Mais je secoue la tête, me reprend et les referment. Avec un soupir je lâche sans le vouloir :

<< Comment puis-je me retrouver à coffrer un gars comme toi qui n'a pas le moins du monde l'air de mériter ça ?! >>

Et shit... La tête plaquée contre le mur, je me retiens de jurer à haute voix. Je suis en colère contre moi-même. Les mains coincées dans le dos, elle me fait mal la fliquette. Je ne peux empêcher un gémissement que je tente de ravaler... Mais ça tombe à plat.

C'est pas la première fois que je me retrouver dans cette position mais... Là, c'est encore pire. D'autant plus qu'elle ne semble pas être bien méchante, pas comme la grosse brute de la dernière fois.

Mais la grosse brute, j'avais réussi à la semer... Comment est-ce que j'avais fait? J'essaye de remettre les idées à l'endroit.

<< Comment puis-je me retrouver à coffrer un gars comme toi qui n'a pas le moins du monde l'air de mériter ça ?! >>

OMG, qu'est ce que je peux répondre à ça moi? Je le mérite autant qu'un autre du gang. Je suis un Black Mooner comme les autres. Pourtant, quelque chose au fond de moi me laisse à penser qu'elle a raison. Je ne suis pas de cette trempe, pas une Méchant, comme il m'était déjà arrivé de le penser. Comme Draco, Tash, même Harry essayaient de le faire apprendre. Je ne suis pas comme eux. Je ne le serai jamais et ne pourrai jamais l'être. Je suis peut être un voyou, il m'est arrivé de tirer sur des gens, mais... Je ne ferais pas du mal à une mouche si elle se posait sur le bout de mon nez. Seules certaines situations m'obligent à agir d'une certaine manière.

OMG, j'ai peut être une carte à jouer. Je vais laisser celui que je suis vraiment prendre le dessus, être Brownie, l'amateur de gâteaux, le bon gars. Je suis sur que ça va me servir dans ce cas. D'ailleurs, le bon gars n'aime pas se dire qu'il va jouer avec cette jeune femme, mais je ne peux pas me permettre de rester entre ses mains.

"S'il vous plait, ne me faite pas de mal..."

Ce n'est pas une supplication, juste une demande très calme. Elle n'a pas l'air méchante elle non plus. Tous les flics ne sont pas pareils, contrairement à ce que Harry a bien voulu me faire croire. C'est ce que je suis en train de comprendre. Les rencontres que j'ai eu étaient toujours face à de vrais butors qui se servaient de leur rang pour s'octroyer des coups de poings gratuits aux frais de la princesse.

Elle me retourne, dos contre le mur, les menottes me serrent mes poignets et le métal entre dans la peau mais elle ne m'a pas retourné violemment.

"Vous vous méprenez, je n'ai rien à voir dans tout ça..."

Pourquoi est-ce que je mens moi... Et surtout, comment ai-je fais pour mentir avec autant de conviction? Je me serais cru moi même dans la situation inverse. Peut-être parce que je dis une certaine partie de la vérité. Je n'ai rien à voir dans toute cette violence, on ne m'a jamais demandé de prendre part à ce gang, j'ai suivi parce qu'il me fallait une maison et que j'étais au chaud mais... Une part de moi a envie de quitter ce groupe...

Que faire?

"Cette arme n'est pas à moi..."

Vrai! Je n'ai jamais possédé d'arme. Je les déteste.

"Je me suis trouvé au mauvais endroit au mauvais moment!"

Quasi vérité... Je n'avais aucune envie d'être là, si ce n'est pour prouver à Draco que j'en avais la force.

Que va-t-elle dire?

"Vous ne pourriez pas dé-serrer un peu ces menottes s'il vous plait? Elles me font vraiment très mal."

J'affiche ma tête de chien battu.

Que... Quoi ?
J'ai du mal à savoir si ce que cet homme baragouine est vrai, mais en tout cas il est très convaincant. Je meurs d'envie de lui retirer ses menottes et de lui assurer que je n'avais rien contre lui. Mais je ne suis pas flic pour rien, et reste imperturbable, même si c'est d'une grande difficulté et que je ne dois pas lui paraître impassible.

Je reste perplexe. Cet homme est... étrange. Ce qui m'a permit de m'élever si loin dans ce métier et d'être promue sergent n'est pas seulement dû à ma rigueur, mais aussi à cette espèce de 6ème sens qui m'habite un peu. Ayant passé mon enfance à vivre avec des parents qui mentaient, se mentaient, à côtoyer des gens qui faisaient semblant de ne pas avoir "pitié" de moi quand ils savaient pour mon... frère... je peux dire que j'arrivais à voir le vrai visage des gens en observant chez eux le moindre détail, en écoutant le timbre de leur voix, en les regardant dans les yeux...

Seulement lui, non. J'avais beau l'observer de partout, je ne voyais rien qui prouvait qu'il mentait. Et pourtant, je sentais cette gêne qui m'habitais lorsqu'une personne quelconque était fausse. C'était absurde de s'embrouiller à ce point ! Mais même si il disait la vérité, les règles étaient les règles et je ne pouvais le libérer à cet instant.

"Vous ne pourriez pas dé-serrer un peu ces menottes s'il vous plait? Elles me font vraiment très mal."

Je sursautai presque en entendant sa voix. Plongeant mon regard dans le sien, je cherchais à scruter une lueur mauvaise mais tout ce que je vis était une gentillesse sans faille... Et un peu de douleur aussi. Comme si... Il ne se sentait pas à sa place.

Comment pouvais-je tirer des conclusions pareilles ? Je souris légèrement, me moquant de moi-même et me repris subitement en espérant qu'il n'ait rien remarqué.

<< Oh... Euh, bien sûr. >>

Surprise par la gentillesse dont était empreinte ma voix, je rajoutai un peu plus fermement en appuyant ma poigne sur son bras :

<< Mais ne t'imagines pas une seule seconde que je vais les retirer ou même te lâcher.