La vie dont j'avais toujours rêvé se devait tout de même d'être réglée comme du papier à musique. Surtout depuis que je mettais des heures pour arriver à faire ce que je voulais. Etre enceinte, le plus grand bonheur d'une femme... Oui, je veux bien le croire, mais pas quand il vous faut dix minutes pour rejoindre les toilettes ou aller vous verser un verre d'eau alors que la distance qui vous sépare de l'évier est de cinq mètres.

Alors, pour se rendre au supermarché, c'est toute une expédition que je me dois préparer avec le plus grand soin. John est au travail, je suis en congé maternité depuis une semaine. Notre relation est au beau fixe depuis quelques semaines, et quand je dis beau fixe, c'est vraiment le paradis à côté de ce que je pensais avoir à vivre depuis que j'ai tiré sur son meilleur ami. Je crois que si il m'en veut encore, ce que je comprendrais parfaitement, il ne me le fait pas sentir, pour le bien de la petite... Ou il m'aime autant que je le l'aime et rien qu'à cette idée, mon cœur se met à battre plus vite... Et une envie de chocolat à la fraise me prend subitement. 

Ah, les hormones... Je les hais. Je vais devoir préparer l'expédition! Commencer par les mises au points techniques d'avant départ! Visites aux WC, un verre d'eau fraîche dans le gosier, vérifier que mon portable est bien chargé... Bon, tout est paré. 

J'attrape mon sac à main, glisse mon téléphone dans la poche de mon manteau, que je n'arrive même plus à fermer... Ok, direction la voiture. 

Le supermarché n'est qu'à un kilomètre. D'ordinaire, je le ferais à pied. Mais j'ai promis à John de ne pas m'épuiser. Alors ça sera la voiture. Quand je pense qu'il continue à faire du vélo tous les matins!

Je suis devant le magasin en moins de cinq minutes, la sortie est aussi acrobatique que la montée au volant. 

Première étape réussie! Maintenant, mission principale, faire le plein de chocolat... Et du pain aussi, c'est préférable. Je me dirige directement vers le rayon chocolat. Le gardien, circulant d'un air sérieux me regarde étrangement mais quand je lui offre un sourire, il me le rend. Ah, les femmes enceintes, elles ont a un charme fou, je ne m'attendais pas à quel point je pouvais me servir de cet état. Le gardien apparemment froid s'approche de moi et m'aide à attraper la plaque de chocolat à la fraise, je me retiens pour ne pas le dévorer devant lui. Je le remercie le plus poliment du monde et m'engage vers ma seconde cible : le pain!

John aime un pain bien spécifique de cette boutique, alors, autant en profiter. Il est tellement bon avec moi, tellement généreux, que je me dois de lui prouver en retour à quel point il compte pour moi, par ce geste, aussi minime soit-il. 

C'est à cet instant, alors que j'ai la main tendue en direction dudit pain qu'une main se pose sur la mienne. Je tourne la tête, sur mes gardes (les vielles habitudes ne nous quittent jamais vraiment) mais je tombe sur un visage plutôt avenant et un peu gêné. Il ne retire cependant pas sa main.

Je ne peux m’empêcher de rire aux éclats... Avant de me confondre en excuses à cause d'un comportement probablement accentué par mon état:

"Oh, je suis vraiment navrée monsieur..." Mais je continue à rire.

Je ne sais pas pourquoi je ris comme ça. Cet homme en face de moi n'a rien de risible, il est plutôt sympathique en fait. Je dois faire un effort énorme pour cesser de rire. Conservant son calme, le nouveau venu m'aide à me calmer et je parviens enfin à trouver mon sérieux lorsqu'il me demande si "c'est pour bientôt?".

Oui, pour très bientôt normalement. Quelques semaines tout au plus, quoi que mon médecin de mari m'ait bien fait comprendre que cela pourrait se produire plus tôt. Eh bien, je ne peux pas dire que ça ne serait pas un soulagement. J'ai vraiment l'impression d'être un ballon... Oh non, pas cette image, sinon, c'est reparti pour le fou rire, très mauvaise idée...


 "Oui, c'est pour bientôt! Dis-je dans un sourire que je veux posé. Une petite fille!"


Mais apparemment, mon cerveau ne peut pas se contenter de sourire, il repart dans un rire plus nerveux qu'amusé.
Le pauvre jeune homme, il va croire que je me moque de lui. Il n'en est rien, rien du tout, mais je n'arrive même pas à lui répondre. Tant pis, il me semble tellement poli, il ne m'en tiendra pas rigueur, j'en suis sure. 

J'ai la confirmation de ce caractère bien élevé lorsqu'il me demande si il peut m'aider. Il est vrai que je ne porte pas beaucoup de courses, mais je trouve bienvenue de l'autoriser à m'apporter son aide. Ce n'est pas vraiment dans ma nature d'appeler "au secours" mais dans ce cas, je prends plus ça comme un moyen de me faire pardonner de mon impolitesse. 


"Merci beaucoup, monsieur, c'est très gentil à vous! J'ai fini mes courses, je serais ravie que vous m'aidez à les porter jusqu'à la caisse."

Quelque chose me dit qu'il n'est pas dupe, mais demeure extrêmement sympathique, emportant mes maigres achats (mais très précieux à mes yeux!) vers l'avant du magasin.

En avançant lentement (j'ai la sensation qu'il prend un soin tout particulier à suivre mon rythme d'une lenteur affligeante), je ne cesse de me dire que ce n'est pas courant chez moi que de faire ainsi confiance aux gens. Pourtant, il a quelque chose dans son regard qui me rappelle quelque chose, qui me rassure... Et qui me fait peur en même temps. J'ai l'impression qu'il me rappelle... Moi... Ou John... Ces yeux ont vu des choses... Des choses qu'on aimerait bien pouvoir effacer parfois.

Peut être est-ce cela qui me pousse à accepter son aide. Je ne veux pas le décevoir. 

"Merci beaucoup, monsieur... Monsieur?"

Pourquoi je lui demande son nom moi? 

Cependant, je ne sais même pas si il me répond. Mes sens affûtés, et peut être trop peu sollicités ces derniers temps, remarquent immédiatement cette main intruse dans le sac à main d'une dame à quelques caisses de la notre...

"Mary Watson."

Oui, c'est ça, je m'appelle Mary Watson. Mais après ce que je viens de voir, la manière dont a réagit cet homme, ce... Foley... Je ne suis plus vraiment sure d'être Mary... D'autres de mes noms ont soudain refait surface, ces autres vies, ces réactions vives et instantanées. Elles ne sont jamais bien loin et ce Foley les a réveillé.

Je ne peux m'empêcher d'être admirative. Et un peu effrayée, d'avoir ressenti presque viscéralement et avec un plaisir légèrement malsain la manière dont il lui a tordu le poignet... Mary Watson est infirmière, pas cette femme d'un autre temps qui sait désarmer n'importe quel menace de 10 façons différentes. 

J'inspire un grand coup, tentant de retrouver mon sourire de circonstance et effacer ces images que je refuse de laisser prendre le dessus. Je dois dire quelque chose, je ne sais pas quoi.

"Félicitations! Vous ne lui avez laissé aucune chance! Je suis impressionnée!"

Pourquoi j'ai dis ça moi? 

"Vous êtes la preuve que nous pouvons avoir encore foi en l'humanité!"

C'est déjà mieux, plus Mary Watson. Bien qu’énoncé d'une voix un peu froide pour laisser croire que je le pense vraiment.

Je n'en reviens pas. L'envie de chocolat à la fraise s'est envolée, laissant place à une envie beaucoup moins agréable, celle de faire payer ce petit voyou. Mais je ne le ferai pas, Foley lui a fait assez peur comme ça, il se pourrait bien qu'il ne recommence pas de sitôt. Et c'est tant mieux.

Je me dois d'agir en tant que Mary Watson, faire honneur au nom de mon époux, je m'approche donc de la dame à qui le porte-feuille avait été volé.

"Tout va bien madame!? Je suis infirmière..." 

Elle acquiesce avec un sourire un peu tendu mais rassuré et soulagé. Et lorsqu'elle aperçoit mon ventre distendu, elle m'offre un sourire beaucoup plus généreux. L'aura de la femme enceinte a encore fait un miracle et je sens que Mary Watson reprend le dessus.

Je reviens vers mes courses et soudain, un tonnerre d'applaudissements s'envole dans le magasin, engendré par la victime du vol, mais avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, elle lance : 

"Mes félicitations, quel merveilleux couple vous formez, ce bébé aura bien de la chance!"

Je n'arrive pas à répondre quoi que ce soit et je vois bien que Foley la regarde avec un air étonné. Pourtant une partie de moi ne cesse de penser que : "Oh oui, nous formerions une équipe du tonnerre!"

Comme celle que tu formes avec John, me lance une autre voix, beaucoup plus forte et raisonnée. Je m'évertue à refuser toutes pensées qui me rapporteraient à celle que j'étais avant.

Au même instant, je sens le bébé me lancer un coup de pied comme il n'en a jamais donné. La petite semble aimer ce qui se passe. Se sentirait-elle dopée à l'adrénaline? Serait-elle accro?

Oulala, je vois bien que Foley s'inquiète pour moi... Et pour tout dire, je m'inquiète aussi un petit peu. La petite aurait-elle décidé de devenir footballeuse sans en prévenir sa mère? J'espère qu'elle va se calmer... Et pas décider de voir le monde de ses propres yeux ici et maintenant... Pas une bonne idée en plein milieu d'un magasin. Et John me ferait encore la morale pour irresponsabilité (il n'aurait pas tort) et je n'ai en aucun cas envie d'être redevable à ce bon samaritain, aussi sympathique soit-il.

Cependant, je dois admettre qu'à cet instant précis, je dois m'en remettre à ses bons conseils pour ma propre sécurité. 

Bon, il faut déjà que je retrouve son prénom. Si il est mon ami, je ne peux pas l'appeler par son prénom quand même. Il a de la chance avec Mary, un prénom d'un commun... Mary et John, on ne peut pas faire plus classique. Mais son nom à lui est plus complexe, pourquoi je ne me suis pas concentrée lorsqu'il me l'a dit? Pas assez en tout cas... 

Ri, ça commence par Ri, j'en suis presque certaine... Bon, à la guerre comme à la guerre, soyons fous : 

"Non, t'en fais pas Riri, ça va aller..."

Il entre dans le jeu mais n'est pas dupe, et prévoyant et observateur comme il est... Je vais lui laisser prendre en charge les opérations! Je le laisse me mener au banc le plus proche.

Assise à côté de Foley, j'essaye de faire comprendre à ma sportive de fille d'attendre d'être sortie pour jouer au ballon ou donner des coups de poings (ça pourrait lui arriver, ses parents sont plutôt doués en ce qui concerne les coups de poings). 


"Merci pour votre aide!" Dis-je. 

C'est peut-être les premiers mots sincères que je sors depuis notre rencontre, sans arrière pensée stratégique ou pire, rire hystérique.

Il me souris, de ce qui me semble un sourire sincère lui aussi. 

La petite semble s'être calmée, c'est une bonne chose. Et mes hormones aussi. Par contre, mon envie de chocolat à la fraise reprend le dessus. Comme guidée par une autre que moi, je prends la plaque et en découpe deux carrés que je regarde avec un air de délectation assez mal élevé... Avant de retrouver mes bonnes manières et d'en proposer un morceau à "Riri".

"Pour vous remercier plus correctement! Dis-je. Et pour saluer votre manière d'agir avec ce pickpocket. Vous êtes un agent de l'ordre, non?"

Je crois déjà pouvoir entendre son "oui" mais je suppose qu'il doit y avoir plus qu'un oui derrière tout ça. Ses réactions ne sont pas seulement celle d'un policier, je n'ai jamais vu Greg agir avec autant de facilité, pour ne pas dire de plaisir. Et puis soudain, je repense à sa phrase.  : "Et vous, vous avez un sacré coup d’œil."

Automatiquement je lui réponds avec un petit rire :

"Vous pensez que j'ai un sacré coup d'oeil hein? Vous ne diriez pas ça si vous connaissiez Sherlock!"

Il connait Sherlock... Mes yeux doivent s'être ouverts comme des billes quand j'ai entendu ça... Avant de me reprendre... Qui ne connait pas Sherlock Holmes en fin de compte. La nation entière, pour ne pas dire le monde, est au courant de ses faits, et méfaits. Il n'est pas un ange, tout le monde peut en convenir, mais un génie, ça oui! 

J'ai soudain l'impression que Riri parvient à lire dans mon esprit comme dans un livre ouvert. Qu'il parvient à comprendre ce que personne ne sait, si ce n'est un nombre très restreint de personnes... Mary Watson n'est pas Mary Watson.

Non, mais je suis bête. Ces informations n'ont jamais été révélées. Je me fais tellement d'idées absurdes en ce qui concerne mon passé parfois. J'ai peur de le voir refaire surface, ou pire, que cette information se retrouve entre les mains d'un Magnussen revisité.

Non, arrête de penser à ce genre de choses, Mary. Tu te fais du mal pour rien. Personne ne viendra plus te menacer avec ton passé, à part peut être John ou Sherlock.

Pourtant, ce jeune homme n'est-il pas trop exceptionnel, sa présence pourrait-elle être plus qu'un simple hasard?

Mais non, il m'a avoué être policier. Détend toi, ne va pas chercher des conspirations dans de simples coïncidences de la vie. 

Pour finir de me détendre un peu plus, il en rajoute une couche avec mon histoire d’observation. J'ai soudain envie de lui avouer une partie de la vérité... Que j'ai été bien formé pour ce genre de chose. Mais je préfère me taire à ce sujet et me contenter d'un : 

"Merci beaucoup, c'est très gentil à vous!" Souligné d'un sourire pour faire passer le compliment.

Mais on dirait qu'il tient aussi à se moquer de moi. Cette fois-ci, je ris de bon cœur, pas ce rire nerveux qui suivit notre tout première rencontre : 

"Riágan! Je suis vraiment désolée! Riri vous va très bien, je peux vous l'affirmer. En tout cas, ce surnom à plus à tout le magasin! Mais je vous promet que je vais me contenter de Rig, c'est promit!


Nous finissons la plaque de chocolat en parlant de tout et de rien. Du temps qui fait ou d'un oiseau qui vient se poser à quelques centimètres de nous. Un instant assez étrange. Je vois bien qu'il me regarde comme si j'étais sur le point d'exploser. Une vraie bombe à retardement. Mais pour le moment, la petite a renoncée à finir le match. C'est un soulagement. Et le chocolat a apaisé mon besoin de chocolat. 

Je n'en reviens pas d'être là, à discuter avec un parfait inconnu du temps qui fait. J'en ai même oublié mes soucis en ce qui concernerait un possible coup monté. Rig n'est pas ce genre d'homme... C'est en tout cas ce que j'ai envie de croire à cet instant.

Au bout d'une longue demie-heure, un message envoyé par John me rappelle à la réalité. Juste un petit mot pour prendre de mes nouvelles, rien de bien exceptionnel, mais cela me touche vraiment, ces petites attentions, comme à chaque fois. J'entreprend de lui répondre immédiatement, lui expliquant même que je prends l'air en mangeant de chocolat.

Puis, le message envoyé, je me lève, prête à rejoindre ma voiture pour retourner à ma bien confortable petite maison. Rig se lève en même temps que moi, et je ne peux m’empêcher de penser qu'il a la ferme intention de ne pas me laisser comme ça, seule au volant. Je suis persuadée que je me fais des idées et je le salues le plus amicalement possible : 

"Eh bien Rig, je ne saurai jamais assez vous remercier pour l'animation que vous avez apporté à la journée de la bonbonne que je suis. Et pour votre prévenance. Ce fut un plaisir de vous rencontrer, mais si vous le voulez bien, je vais à présent rejoindre ma demeure!"

Je lui souris du sourire le plus franc. Je pense qu'il sent la différence avec celui que je lui aie offert quelques minutes avant.

"Eh bien, si, je suis venue en voiture. J'avais bien prévue de me laisser rouler jusqu'à la boutique, mais j'ai abandonnée l'idée..."

Qu'est-ce qui me prend de plaisanter ouvertement avec cet homme. Je le trouve sympathique, certes, mais tout de même, je ne le connais pas. Et pourtant, je lui parle comme si il était un ami de dix ans. Enfin, pour ce que j'en sais d'avoir d'un ami de dix ans. Je n'ai jamais connu une aussi longue amitié, pas même enfant. Je n'aime pas me remémorer cette partie de ma vie d'ailleurs. J'espère juste que celle de mon enfant sera plus heureuse que la mienne. J'en fais là une priorité. Par la suite, j'ai tellement changé d'identité qu'avoir un ami plus de quelques mois relevait du miracle. La douleur de les perdre, de devoir les abandonner sans dire un mot, était telle que je préférais ne plus me lier à qui que ce soit. Et puis, ma vie a changé, John est apparu, et... Et me voilà aujourd'hui...

Rig me regarde d'un air quelque peu amusé, mais surtout suspicieux. Je ne suis pas la dernière à reconnaître qu'être enceinte apporte dans son sillage tout un lot de désagréments, mais, bon, ce n'est pas une maladie non plus. Je suis juste plus lente que d'habitude et... Bon, d'accord... Son regard a gagné, je me sens coupable maintenant, coupable d'avoir prit un risque insensé pour un bout de chocolat, d'avoir mis en danger la vie de ma fille à prendre ainsi la voiture. Ce Rig est désespérément bienveillant. 

"Si vous le voulez, vous n'avez qu'à m'accompagner jusqu'à ma voiture si ça peut vous rassurer."

J'avoue que moi aussi, ça me rassurerait, mais cette sensation est autrement plus psychologique qu'autre chose. C'est une peur irraisonnée liée à ces dernières minutes d'action inattendues. Mais je me sens bien à présent, ma progéniture a décider de se calmer. 

"Vous êtes un réel gentleman! Une espèce de plus en plus rare de nos jours."  


Il me souris tandis qu'il m'accompagne jusqu'à la voiture. Je ne sais pas vraiment si c'est la réalité ou seulement mon expérience en matière d'hommes qui me fait dire cela, mais le seul vrai gentleman que je connaisse, c'est John. Sherlock est un homme bien, mais en matière de galanterie spontanée ou de mots bien choisis sur le sujet, on repassera. Il n'en demeure pas moins un homme exceptionnel et le meilleur ami que je puisse imaginer. Quel homme accepterait ne serai-ce que de vous parler après que vous lui ayez tiré dessus, quel homme vous inviterait chez ses parents pour Noel (même si il vous drogue comme la moitié de la famille) et quel homme voudrait contre vents et marées que votre fille porte son prénom, demande qui, je n'en doute pas, vient, pour une fois, du plus profond de son cœur. 

Rig est de la trempe de John, homme fort, qui sait faire face à toutes les situations, mais avec un sens aigus des conventions et des priorités. Un homme bon, je pense être en mesure aujourd'hui de les identifier.

Nous arrivons enfin à la voiture. Je m'approche de la portière en souriant à mon chevalier servant : 

" Merci beaucoup Rig, c'est un soulagement de vous avoir eu à mes côtés. J'espère que nous nous reverrons. Il faudra que je vous présente votre fille!"

Plaisanterie, bien sur... Mais quelque chose me dit que c'est quelqu'un d'autre que mon enfant qu'il désirera rencontrer dans mon entourage proche!

Je me retrouve face à ma voiture, Rig m'a suivi. Je ne sais pas vraiment ce qu'il veut mais je comprends bien qu'il est de cette trempe d'homme qui tient à prendre soin de son prochain. Je le respecte pour ça, mais je ne sais pas comment lui faire comprendre que je n'ai pas besoin de son aide pour le moment. Non pas que je n'apprécie présence, bien au contraire. Il m'est très sympathique. Mais je n'aime pas l'impression d'être une assistée. Je suis une femme enceinte, pas une personne atteinte d'une maladie handicapante. Et ce même si cette petite bouée que forme ma chère enfant n'est pas des plus confortable.  

Je me prépare à monter au volant après avoir souri à Rig... Mes contorsions ne sont pas pour donner la sensation que je sais ce que je fais. 

C'est alors que dans un geste courtois mais franc, Rig m'attrape par les épaules, n’impose de faire le tour de la voiture et m'aide à monter côté passager, beaucoup facile sans la présence du volant.  

Les premières secondes, j'ai envie de protester, ce que je fais d'un léger "Heeey" mais je me laisse finalement faire, lisant dans ses yeux sa détermination. Je ne suis pas en état de faire un scandale, ça pourrait mal tourner, pour lui, plus que pour moi. Je l'apprécie trop pour me débattre, alors...

Il monte côté conducteur et me demande d'un ton ferme et déterminé : 

"Direction?"

"Quelques rues vers le nord, je vous guide!" 

C'est pendant le chemin, très court, pas plus de 5 min, que je me rends compte que ce que je suis en train de faire. Laisser ma voiture entre les mains d'un étranger, sans avoir la moindre chance de pouvoir riposter. Mais qu'est-ce qui me prend? Ce sont les hormones ou quoi? Je commence à avoir peur de ma propre réaction. Cette acceptation n'est pas dans mes habitudes. J'ai beau avoir l'impression de faire une énorme bêtise, je n'arrive pas à avoir peur de Rig. Je suis en plein contradiction intérieure... Jusqu'à ce que le jeune homme descende de la voiture et vienne m'ouvrir la portière juste devant chez moi. Je me demande soudain ce que dirait John si il était de retour à la maison. Je ne sais plus trop ce que je suis en train de penser. Les idées s’emmêlent.

Je me reprends lorsque Rig m'interpelle.

"Euuuh... Merci Rig, c'est très gentil à vous."

Il m'aide à descendre et me donne un coup de main pour escalader les quelques marches qui mènent à la porte.